Pas de répit après Super Mario Bros.
Vous avez donc réussi à ajouter le Goomba dans le jeu. (rires) Et, après ça, le premier jeu Super Mario Bros. était terminé. Quel genre d'accueil attendiez-vous de la part des joueurs?
Honnêtement, je ne pensais pas qu'autant de joueurs des quatre coins du monde joueraient à ce jeu. Mais juste avant de le sortir, on a fait tester le jeu à beaucoup de monde et quand Miyamoto-san a vu comment les gens réagissaient, il a dit : « C'est la même réaction qu'avec Donkey Kong. »
Donc les gens étaient vraiment enthousiastes.
Absolument. Je me souviens clairement que Miyamoto-san, qui avait déjà vécu cette expérience une fois avec Donkey Kong, a dit : « Ça pourrait devenir énorme. »
À l'époque où vous étiez en train de finir Super Mario Bros., je venais chez Nintendo pour aider à terminer F1 Race21. À ce moment, on m'avait donné une version test de Super Mario Bros. et on m'avait demandé de donner mon avis sur le jeu. Je l'ai ramenée à HAL Laboratory et, pendant les deux semaines qui ont suivi, l'équipe de développement n'a pas pu travailler du tout. Toute l'équipe était obnubilée par Super Mario.
(éclat de rire)
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C'est pourquoi, avant la sortie, je pressentais que vous aviez réussi quelque chose qui sortait vraiment de l'ordinaire. À ce moment, je n'imaginais pas que ça deviendrait un tel phénomène, mais je sentais que c'était un jeu incroyablement stimulant. Je n'avais jamais rien ressenti de tel auparavant.
Mais en fait, après avoir terminé le jeu, on n'a pas réalisé non plus.
Quand on travaille beaucoup sur un projet, parfois on perd de vue le produit qu'on a entre les mains.
Oui, on a moins de recul, n'est-ce pas?
Tout ce qu'on pense, c'est : « C'est enfin terminé! »
« Plus aucun niveau à retravailler! » (rires)
Et on commence à parler du projet suivant.
C'est vrai. Vous deviez penser : « Bon, il faut terminer Zelda maintenant! »
Comme on avait commencé Zelda au même moment, le lendemain de la fin de Super Mario, on parlait déjà de Zelda.
Donc, une fois que vous avez réussi à faire un ROM de Super Mario, vous avez vite tout oublié pour vous consacrer entièrement à Zelda.
Lorsqu'on a terminé notre travail sur Super Mario, Miyamoto-san s'est assuré qu'on garde les pieds sur terre. Il a dit : « Bien sûr, fêtez cette fin de projet, mais je ne vous donne que trois heures après la fin du projet. »
Alors, vous n'avez eu que trois heures pour fêter le fait d'avoir terminé le jeu? (rires)
Miyamoto-san avait dit : « Donnons notre meilleur pour le projet suivant! » Et on a tous répondu : « Okay! C'est parti! » Ça se passait comme ça à l'époque.
Oui, c'est comme ça que ça se passait.
Alors on s'est mis à travailler sur Zelda directement.
Je vais tenter d'éviter de poser trop de questions sur Zelda, puisque cette entrevue traite de Super Mario Bros., mais si je vous demandais de retenir un épisode particulièrement marquant sur ce jeu, que choisiriez-vous?
Tezuka-san, vous souvenez-vous de la conversation que nous avons eue sur le fait de diviser les cæurs en quarts?
Euh… Non, je ne me souviens pas de celle-là.
(rires) Dans Zelda, le nombre d'objets que vous pouvez récupérer est très limité, ce qui a représenté un vrai casse-tête pour nous. Je me souviens qu'à un moment, nous avons parlé de ce problème avec Tezuka-san pendant une journée entière, tout en jouant à un jeu de casse-tête.
Vous avez cherché comment augmenter le nombre d'objets tout en jouant à un jeu de casse-tête? (rires)
Oui. Ensuite, Miyamoto-san est rentré chez lui sans un mot. Et quand il est arrivé au travail le lendemain, il a tout à coup dit : « Je vois exactement où nous mène votre travail d'hier. »
Disait-il ça ironiquement, car vous aviez passé toute la journée à jouer à un jeu de casse-tête?
Non, non, ce n'était pas ça du tout. Pendant qu'on jouait au jeu de casse-tête, on avait en fait dessiné un cæur divisé en quarts sur le tableau blanc. Lorsque Miyamoto-san a vu ça, il a réussi à comprendre cette image des quarts de cæur sans même qu'on ait besoin de lui expliquer.
Ah, je vois. Donc, en divisant les cæurs en quarts, vous compensiez la petite quantité d'objets.
C'était l'idée. On avait simplement esquissé un dessin tout bête sur le tableau blanc. Là je me suis dit : « Miyamoto-san est un quelqu'un d'assez spécial. »
D'accord.
Et je pense exactement la même chose de Tezuka-san.
Qu'est-ce qui vous fait penser que Tezuka-san est assez spécial?
Eh bien, c'était quand on était en train de faire Super Mario Bros. 322. Mario pouvait devenir Mario raton laveur, vous vous souvenez?
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Oui, Mario a de grandes oreilles et une queue et il peut s'envoler.
Lorsqu'on a trouvé cette idée, Mario pouvait simplement voler dans les airs. Mais si on faisait comme ça, tous les objets au sol que nous avions réussi à créer se seraient avérés inutiles. J'ai donc dit qu'on ferait mieux d'abandonner cette idée. Mais Tezuka-san aimait vraiment Mario raton laveur.
C'est vrai. (rires)
Je me souviens d'une réunion que nous avons eue ensuite : Tezuka-san avait commencé à battre des bras lentement, comme s'il était Mario raton laveur en train de voler. Il a dit : « Mario pourrait partir comme ça et se mettre à voler, non? Vous ne pensez pas que ce serait super drôle? »
Donc, Tezuka-san, qui, on le sait, était fervent défenseur du niveau dans le ciel, a utilisé toute son énergie et sa passion pour défendre son idée. (rires)
Mais si on avait simplement pris l'idée de Tezuka-san telle quelle, Mario raton laveur aurait pu rester dans les airs tout le temps et foncer droit sur la fin du niveau. Ç'aurait été sans intérêt.
Si Mario peut tout faire en volant, ce n'est plus vraiment du jeu. (rires)
Mais Tezuka-san insistait, il voulait que l'on trouve un moyen de le faire fonctionner. C'est alors que nous avons pensé à ajouter certaines limites à la capacité de voler de Mario. Ensuite, on s'est arrangés pour que Mario ait besoin de courir pour pouvoir s'envoler. Il fallait qu'il coure sur au moins huit fois sa largeur avant de pouvoir décoller.
Donc, de cette façon, pour pouvoir voler, le joueur devait avoir une certaine quantité de terrain plat à disposition.
Je ne sais plus qui a trouvé ce nom, mais on a tous appelé ça « la piste ». Donc, à ce stade, on a revu les niveaux et on les a totalement retravaillés pour qu'à certains endroits Mario puisse décoller. Finalement, on s'est arrangés pour que les joueurs ayant récupéré l'objet Aile-P, qui est en fait une aile de Koopa Volant, puissent faire tout le niveau en volant.
Donc, la passion pour le ciel de Tezuka-san et sa persévérance ont été contagieuses! (rires)
Complètement! (rires)