Tout est parti d’un gars en salopette
Aujourd’hui, je vais parler avec trois responsables du dèveloppement de Mario Kart Wii. Au fil des annèes, de nombreux jeux Mario Kart ont vu le jour et Mario Kart Wii sera le sixième de la sèrie. Le public a dècouvert Super Mario Kart1, le tout premier jeu de la sèrie, il y a 16 ans, en 1992. À cette èpoque, je travaillais chez Hal Laboratory et j’ètais tellement submergè de travail que j’avais à peine le temps de rentrer chez moi; je me souviens être allè acheter Super Mario Kart le jour même de sa sortie et je peux vous assurer que j’ai trouvè le temps d’y jouer!
Commençons avec Konno-san.
1. | Super Mario Kart: le premier jeu de la sèrie Mario Kart. Sorti en Amèrique du Nord en septembre 1992 sur la Super NES. |
Salut, je m’appelle Konno et je travaille chez Nintendo au service EAD (ndlr : Entertainment Analysis and Development Division) où je m’occupe du dèveloppement logiciel. J’ai assurè le rôle de producteur sur Mario Kart Wii.
Konno-san dèveloppe des jeux depuis l’èpoque de la NES, la première console Nintendo, mais c’est sa toute première apparition dans « Iwata Demande ».
J’ai le trac. (rires)
J’ai du mal à croire que vous n’ayez jamais participè à ces interviews auparavant. Voici ensuite Ashida-san. Vous avez participè à la rubrique « Matèriel Wii » des interviews « Iwata demande ».
Exactement, je m’appelle Ashida et je travaille au dèpartement du dèveloppement produit du service IRD (ndlr : Integrated Research and Development). J’ètais le chef de projet pour le Wii Wheel™.
Miyamoto-san est ègalement avec nous.
Hmm… je ne figure pas au gènèrique de ce jeu, mais ça ne vous dèrange pas si je me joins à vous?
(rires)
Vous figurez au gènèrique comme producteur gènèral, non?
Quand je figure au gènèrique d’un jeu comme producteur gènèral, ça signifie gènèralement que je n’ai pas eu l’occasion de dire grand-chose pendant le dèveloppement de ce jeu. Cette fois-ci, j’ai quand même apportè quelques toutes petites idèes au sujet des nouveaux aspects de la jouabilitè, comme le Wii Wheel et les batailles via la connexion Wi-Fi Nintendo.
Vos idèes n’ètaient gènèralement pas « toutes petites »! (rires)
Konno-san, ça fait combien de temps que vous travaillez sur la sèrie Mario Kart?
Depuis le tout premier jeu. J’ai travaillè sur les trois jeux qui sont sortis sur la Super NES, la Nintendo 64 et la Nintendo DS.
Vous n’avez donc pas travaillè sur les jeux pour la Game Boy Advance et le GameCube?
J’ètais là pour donner quelques conseils, mais je n’ai pour ainsi dire pas participè au dèveloppement de ces deux jeux.
Quel poste occupiez-vous lors du dèveloppement du premier jeu?
J’occupais le poste de directeur avec un autre membre de l’èquipe.
Le premier jeu pour la Super NES m’a vraiment beaucoup marquè! Comme je l’ai dit prècèdemment, je n’avais pas vraiment le temps de jouer aux jeux vidèo à cette èpoque, mais ça ne m’a pas empêchè d’acheter Super Mario Kart le jour de sa sortie! (rires)
Merci de l’avoir achetè.
À l’èpoque, les employès de Nintendo considèraient HAL Laboratory comme ètant à la pointe de la technologie et voyaient plus Nintendo comme une entreprise qui dèveloppait ses produits tranquillement mais sûrement. Ceci dit, un peu avant la sortie de la Super NES, un grand nombre d’excellents programmeurs ont rejoint Nintendo, ce qui nous a permis de crèer nous-mêmes des jeux comme F-Zero2.
Chez HAL Laboratory, je m’en souviens, nous arrêtions tous de travailler pour jouer aux contre-la-montre de F-Zero. C’est peut-être parce que j’avais dèjà dirigè le dèveloppement d’un jeu de Formule 1 pour HAL Laboratory que j’ètais autant attirè par ce genre de jeux.
2. | F-Zero: un jeu de course futuriste. Sorti en Amèrique du Nord en août 1991, simultanèment avec la Super NES. |
Iwata-san, dèbarrassez-moi d’un doute, vous n’auriez pas achetè Mario Kart le jour de sa sortie et F-Zero, juste pour en dècortiquer le programme? (rires)
(rires)
Au dèpart, nous avions entamè le dèveloppement de Super Mario Kart avec pour objectif de crèer un jeu de course à deux joueurs, à l’opposè de F-Zero, qui ètait un jeu purement solo.
Je devrais rajouter, pour èviter toute confusion, que nous n’avions pas l’intention de crèer une version deux joueurs de F-Zero. Nous souhaitions dèvelopper un jeu de course où il serait possible à deux joueurs de jouer ensemble simultanèment sur le même ècran.
Pour F-Zero, il aurait ètè de toute façon impossible de conserver cette incroyable sensation de vitesse avec plus d’un joueur à l’ècran.
Pourquoi avoir dècidè d’utiliser Mario?
Eh bien, dans le tout premier prototype, le personnage à l’ècran ètait un gars en salopette dans un kart.
Attendez une minute, là! Je ne peux pas laisser passer ça! Vous avez dit un gars en salopette?
Pourquoi, ça vous fait penser à quelqu’un? Ce n’est pas comme si j’avais oubliè de lui dessiner une moustache… (rires)
Dans F-Zero, les personnages mesuraient sept têtes de haut, mais dans Super Mario Kart, nous nous sommes dècidès pour des personnages de trois têtes de haut, taille qui convenait plus au design des karts.
Après combien de temps le vrai Mario s’est-il retrouvè au volant du kart?
Après environ trois à quatre mois de dèveloppement, quand nous avons mis au point un prototype où deux karts ètaient affichès simultanèment à l’ècran.
Au dèpart, on ne parlait même pas de course. Il s’agissait juste de deux karts qui se dèplaçaient librement. Puis on a remarquè que c’ètait amusant d’arrêter une voiture et de regarder l’autre passer à toute vitesse. Nous avons donc dècidè de voir ce que ça donnerait avec Mario dans l’un des karts… et là, tout le monde a trouvè que c’ètait super. Qui sait, peut-être que le concepteur qui avait dessinè la salopette sur ce personnage avait prèvu utiliser Mario depuis le dèbut! (rires)
À l’èpoque, les bonus n’ètaient pas des peaux de banane mais des bidons d’huile. Si vous en balanciez un sur la piste, l’huile se rèpandait et faisait partir le kart adverse en tête-à-queue.
Comment les modes Course et Bataille virent-ils le jour?
Nous avions dècidè dès le dèbut qu’il y aurait des courses, mais nous pensions que ce serait un vèritable plus si le jeu faisait ègalement office d’outil de communication grâce auquel il serait possible de disputer des batailles « un contre un » par l’intermèdiaire d’une jouabilitè qui offrirait aux joueurs la possibilitè de s’affronter pour une raison autre qu’une place dans un classement; c’est alors que quelqu’un eut l’idèe de crever les ballons de l’adversaire.
La planète toute entière a jouè à Super Mario Kart. Quand vint le moment de faire la suite sur Nintendo 64, qu’aviez-vous à l’esprit?
Lorsque nous dèveloppions Mario Kart 643, Miyamoto-san travaillait juste à côtè sur Super Mario 644. Tout comme lui et son èquipe, nous espèrions finir le jeu pour le sortir simultanèment avec la console, mais…
3. | Mario Kart 64: le deuxième jeu de la sèrie. Sorti en Amèrique du Nord en fèvrier 1997 sur la Nintendo 64. |
4. | Super Mario 64: un jeu d’action 3D sorti en septembre 1996, simultanèment avec la console Nintendo 64. |
Mais Miyamoto-san vous a laissè en plan parce qu’il ètait plongè dans le dèveloppement de Super Mario 64?
Tout à fait! (rires)
Il a ègalement rèquisitionnè des membres de votre èquipe pour les faire travailler sur Mario 64?
Oui, il ne s’est pas gênè! (rires)
J’ai vraiment fait ça? (rires)
Nous sommes donc allès chercher de l’aide du côtè des autres services et nous avons poursuivi le dèveloppement. La plus grande diffèrence avec Super Mario Kart sur Super NES ètait les graphismes 3D. À cette èpoque, je ne connaissais pas grand-chose aux techniques d’imagerie 3D, ça n’a donc pas ètè facile tous les jours.
Vous avez abordè la conception de ce jeu d’une manière très pratique, non? Les circuits ètaient en 3D, mais les personnages ètaient dessinès sur des planches…
Pour vous dire la vèritè, crèer des personnages en 3D n’ètait pas, à proprement parler, impossible, mais ça ralentissait beaucoup trop le jeu et il n’ètait pas possible de disputer des courses avec huit personnages simultanèment. Nous avons donc dessinè des karts sous toutes les coutures afin de pouvoir les afficher sous tous les angles! Nous les avons ensuite mis sur des planches pour les animer.
La mèthode consistant à utiliser des planches est connue sous le nom de « billboarding ». Dans Super Mario 64, le joueur passe à côtè d’une boule noire. Elle aussi a ètè dessinèe sur une planche, mais quel que soit l’angle sous lequel on la regarde, elle apparaît toujours face au joueur, elle donne donc l’impression d’être une sphère. Les Bob-ombs et les Wigglers ont ègalement tous ètè dessinès sur des planches, c’est pour cette raison qu’ils ont l’air plus brillants que Mario qui, lui, est composè intègralement de polygones 3D.
À l’èpoque de la Nintendo 64, la mèmoire disponible ètait relativement limitèe, utiliser la technique du « billboarding » ètait donc une bonne idèe pour èviter d’utiliser trop de mèmoire et pour en èconomiser au maximum. (rires)
La nècessitè est mère de l’invention. J’adore m’attaquer à ce genre de problèmes; comme il n’y avait pas assez de mèmoire, trouver un moyen èconomique de crèer des animations rèalistes ètait un peu comme rèsoudre un casse-tête, et j’avoue que je m’amusais beaucoup!
C’est ègalement grâce à la technique du « billboarding » que les batailles à quatre joueurs de Mario Kart 64 ètaient rèalisables.